URGENT ! LA GRANDE BRETAGNE QUITTE L’UNION EUROPÉENNE
Le Royaume-Uni a finalement choisi de mettre fin à quarante-trois années d’appartenance à l’Union européenne (UE), en disant oui au « Brexit » (contraction de « Britain » et « Exit ») lors d’un référendum dont les résultats ont été annoncés vendredi 24 juin au petit matin. Le camp du « Leave », favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’UE, l’a emporté avec 51,9 %, contre 48,1 % pour le « Remain », camp pro-européen. Que va impliquer cette victoire ?
1. Le premier ministre David Cameron va-t-il démissionner ?
Oui, le premier ministre conservateur, qui avait initié le référendum alors qu’il était lui-même opposé au Brexit, a annoncé qu’il quittera son poste dans les trois mois.« Je pense que le pays a besoin d’un nouveau leader », a annoncé David Cameron dès vendredi matin. Une décision surprenante, puisqu’il avait affirmé au Times la semaine précédente qu’il se maintiendrait quelle que soit l’issue du vote.
M. Cameron restera pour faire la transition jusqu’à la désignation d’un nouveau leader lors d’un congrès du Parti conservateur en octobre, qui deviendra automatiquement premier ministre. Le porte-parole des pro-Brexit et ancien maire de Londres, Boris Johnson, est le prétendant le plus sérieux pour prendre la place de premier ministre.
2. Quand le Royaume-Uni sortira-t-il officiellement de l’Union européenne ?
Le résultat d’un vote par référendum n’est pas juridiquement contraignant. Néanmoins, David Cameron a déclaré vendredi que « la volonté du peuple britannique doit être respectée ». Le premier ministre laissera à son successeur l’épineux dossier de la sortie de l’Union européenne.
« Les négociations avec l’Union européenne doivent se faireavec un nouveau premier ministre. »
Pour que le Royaume-Uni quitte l’UE, il doit formellement annoncer ses intentions lors d’un Conseil européen, comme décrit dans l’article 50 du traité de Lisbonne. Cela tombe bien, un Conseil est organisé les 28 et 29 juin, et le Brexit sera bien évidemment au centre des discussions. Une période de deux ans est prévue pourpréparer la sortie, mais elle peut être raccourcie si un accord est trouvé (ce qui semble peu probable). Elle peut aussi être allongée, mais il faut pour cela obtenir l’unanimité des Etats européens, faute de quoi le Royaume-Uni se retrouverait sans accords commerciaux ni accords préférentiels de libre circulation.
Commenceront alors de longues négociations sur les modalités du désengagement britannique, notamment concernant un éventuel accès au marché unique. Le ministère des affaires étrangères britannique a annoncé que les négociations pourraient mener à plus d’une décennie d’incertitudes, rappelant que, pour les traités commerciaux de grande ampleur comme les accords entre l’UE et le Canada, les tractations ont pris des années. Ces accords ne sont d’ailleurs pas encore ratifiés.
3. Un pays qui quitte l’UE, est-ce une première ?
C’est effectivement la première fois qu’un Etat membre de l’Union européenne décide d’utiliser l’article 50. En revanche, le Groenland, qui a obtenu un statut d’autonomie en 1975 (il était auparavant rattaché au Danemark en tant que comté d’outre-mer), a voté pour sortir de la Communauté économique européenne (CEE, ancêtre de l’UE) en 1982. Ce retrait a été ratifié en 1985, et le Groenland est parvenu, depuis lors, à maintenir des exemptions douanières, notamment concernant la pisciculture. Il est dorénavant un territoire d’outre-mer associé à l’UE.
4. Le Brexit modifie-t-il l’équilibre des pouvoirs au sein de l’UE ?
Selon une étude du cabinet de conseil Global Counsel, l’équilibre des pouvoirs sera modifié au sein du Conseil européen, notamment en ce qui concerne les débats de politique économique. Selon des règles de vote introduites en novembre 2014, une minorité de blocage au Conseil européen doit être prise par au moins quatre Etats membres et représenter au moins 35 % de la population totale de l’UE.
Avec la sortie du Royaume-Uni, les tenants d’une ligne plus libérale perdent un pays très peuplé. Et le « bloc libéral », que composaient notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou encore la République tchèque, passera de 25 % à 15 % de la population totale de l’Union européenne. Régulièrement, l’Allemagne rejoignait ce bloc pour dépasser le seuil de 35 % nécessaire à un veto. Il faudra désormais l’appui de pays traditionnellement plus conservateurs pour poursuivre cette stratégie.
Par ailleurs, le véritable moteur de l’UE, notamment sur le plan économique, est un jeu d’influence à trois entre l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. En l’absence de ce dernier, avec qui il pouvait être un allié de circonstances, Berlin se retrouvera face à Paris sans véritable contrepoids. La convergence des positions entre France et Allemagne deviendra encore plus nécessaire – et l’influence deParis s’en trouvera renforcée.
5. Faudra-t-il un visa pour voyager ou travailler au Royaume-Uni ?
Tant que le Royaume-Uni est dans l’Union européenne, les règles concernant la libre circulation des personnes restent inchangées : n’étant pas un pays de la zone Schengen, il faudra toujours un document d’identité prouvant son appartenance à un pays de l’Union européenne pour voyager outre-Manche et y travailler.
Les choses se corseront à partir du moment où le Brexit sera effectif. Selon les modalités négociées entre le Royaume-Uni et les pays membres de l’UE, il se peut qu’il faille un visa pour voyager dans le pays. Si le Royaume-Uni arrive à négocier un accord lui permettant de rester au sein du marché unique, il est très probable que la libre circulation des personnes soit acquise. Mais le gouvernement britannique pourrait aussi imposer des restrictions liées au permis de travail. La réciprocité s’appliquant, les Britanniques auraient besoin d’un visa pour travailler dans un pays de l’UE, et vice-versa.
6. Quelles conséquences pour les étudiants ?
Les étudiants britanniques, qui sont de plus en plus nombreux à partir étudier à l’étranger, seront les plus touchés car il deviendra plus difficile pour eux d’effectuer leur mobilité sans le programme Erasmus. Un accord pourrait toutefois être trouvé, comme c’est aujourd’hui le cas pour la Suisse et la Norvège – mais cela prend du temps. Les financements de recherche allant de pair avec le programme Erasmus s’en trouveraient impactés également. Enfin, les étudiants européens au Royaume-Uni pourraient payer des frais universitaires beaucoup plus importants qu’actuellement car ils seront considérés comme tous les autres étudiants internationaux.
7. Pourra-t-on encore acheter des toffees chez Marks & Spencer ?
Evidemment. En revanche, ils pourront, à terme, coûter plus cher, selon ce qui sera négocié : des taxes douanières pourraient faire augmenter le prix de ces friandises. L’ancien PDG de Marks & Spencer, Stuart Rose, proeuropéen convaincu, a prévenu qu’un Brexit provoquerait une augmentation des prix, au Royaume-Uni et ailleurs.
7. L’anglais restera-t-il la langue de travail de l’UE ?
Selon toute vraisemblance, oui. Si les 24 langues des pays de l’UE sont acceptées au sein des institutions européennes, le français et l’anglais sont les deux le plus fréquemment usitées. Néanmoins, l’anglais est une langue véhiculaire à travers l’Europe : il serait parlé par 38 % des Européens dont ce n’est pas la langue maternelle, ce qui en fait la langue la plus utilisée au sein de l’UE, selon un rapport de la Commission européenne de 2012.
8. L’Ecosse va-t-elle tenter de rester dans l’Union européenne ?
Peut-être, mais pas tout de suite. Contrairement au reste du Royaume-Uni, les Ecossais ont voté à 62 % en faveur du maintien dans l’Union européenne, avec toutefois une participation assez faible. La première ministre de l’Ecosse, Nicola Sturgeon, dirigeante du Parti national écossais (SNP) a prévenu que la région voyait « son avenir au sein de l’Union européenne ».
Alors que les Ecossais avaient refusé par référendum en 2014 de se séparer du Royaume-Uni, le SNP estimait, avant le vote sur le Brexit, qu’une nouvelle consultation sur l’indépendance pourrait être organisée « s’il y a un changement significatif par rapport aux circonstances de 2014, telle qu’une Ecosse tirée en dehors de l’Union européenne contre sa volonté ». Nicola Sturgeon reste toutefois prudente et ne s’engage pas sur la tenue rapide d’un nouveau référendum qu’elle n’est pas sûre de remporter.
9. Que deviennent les programmes financés par l’UE au Royaume-Uni, les subventions cesseront-elles ?
Le Royaume-Uni bénéficie de plusieurs milliards d’euros au titre des programmes financés par l’Union européenne en faveur de ses membres. Si Londres quitte l’UE, ces aides pourraient disparaître. Une grande partie du débat lors de la campagne électorale consistait à savoir si le pays sera financièrement bénéficiaire ou non. D’un côté, les partisans du Brexit avançaient le poids de la contribution britannique à l’UE, qui s’élève à 250 millions de livres (325 millions d’euros) par semaine ; de l’autre, les proeuropéens rappelaient les risques de réinstaurer des barrières douanières et de perdre des subventions garanties par l’UE.
10. Quel accord de libre-échange le Royaume-Uni peut-il négocier ?
Londres devra nécessairement renégocier des accords d’échanges économiques avec Bruxelles. Il pourra s’appuyer sur différents précédents :
L’OPTION NORVÉGIENNE
La Norvège fait partie de l’Espace économique européen (EEE), qui bénéficie d’un accès complet au marché unique. En revanche, elle doit obéir à la plupart des règles de l’Union européenne, dont la libre circulation des biens et des personnes. Elle contribue aussi au budget européen. Elle ne bénéficie pas des 50 différents accords de libre-échange de l’Union européenne, mais en tant que membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), comme tous les pays de l’EEE, il peut négocier ses propres accords commerciaux.
L’OPTION SUISSE
La Suisse fait partie de l’AELE, mais à la différence de la Norvège, elle a négocié des accords bilatéraux avec l’UE. Elle contribue au budget européen et obéit aussi à la libre circulation des biens et des personnes. Certaines de ses industries, dont l’industrie bancaire, ont des accès restreints à l’Union européenne. En revanche, elle est libre de négocier des accords bilatéraux avec des pays tiers.
L’OPTION CANADIENNE
L’Accord économique et commercial global (CETA) implique la levée des droits de douane sur de nombreux produits à l’importation ou à l’exportation entre le Canada et l’Union européenne. Les négociations ont duré plus de sept ans et l’accord n’est pas encore ratifié. Si Londres choisit cette option, elle ne sera probablement pas en position de force : seuls 6 % des biens de l’UE sont exportés au Royaume-Uni. De plus, le CETA ne garantit pas la levée des barrières douanières sur les services.
L’OPTION DE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC)
Si aucun deal n’est trouvé, ou en attendant qu’il le soit, le Royaume-Uni devra avoir recours aux règles de base de l’OMC, comprenant des obstacles douaniers mais aussi l’évaluation en douane des marchandises ou le contrôle de l’origine des produits.
Quelle que soit l’option choisie, il y a de fortes chances que différents pays de l’UE en profitent pour affaiblir, à leur avantage, l’un des domaines économiques où le Royaume-Uni est réputé. Par exemple, l’UE pourrait proposer un accord de libre-échange qui ne concernerait que les biens manufacturés, ce qui contraindrait la City à perdre de l’influence et des parts de marché dans les secteurs financiers et bancaires.
11. La situation change-t-elle pour les migrants à Calais ?
Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a prévenu qu’en cas de Brexit, « la France ne retiendrait plus les migrants à Calais ». Conclus en 2003, les accords du Touquet visent à renforcer les contrôles aux frontières entre la France et le Royaume-Uni, et – à l’époque – de mettre fin au centre d’accueil de Sangatte, en généralisant les contrôles opérés par des policiers anglais sur le sol français. De fait, des milliers de migrants se retrouvent bloqués dans la « jungle » de Calais, en attendant une hypothétique traversée vers la Grande-Bretagne.
L’accord du Touquet est un accord bilatéral, qui n’a aucun lien avec l’Union européenne, mais il peut être dénoncé. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur français, a toutefois repris M. Macron, en expliquant qu’il n’y avait pas de raisons valables d’annuler ces accords.
source : lemonde.fr
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